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TAIRE (SE)

Il ne faut pas taire que celui qui ne dit rien se tait.

Ecrire comme on parle, puis parler comme on écrit. Mais se taire c’est bien pareil quand la lettre reste sans réponse, suspendue dans l’absence spatio-temporelle de l’autre. Autrement dit : à force de se taire, on finit par parler comme on écrit.

Je refuse de taire le fait que je me tais à la demande d’un tiers.

TARTINE

Du pain sur la planche : c’est la condition nécessaire à toute tartine. La fonction sociale de la tartine vise ensuite à transcender la question du gagne-pain.

Observer, analyser, agir. Pain, fromage, tartine. Pierre, fourmis, agir encore. Ou bien, tout compte fait, s’agirait-il pour une fois de ne plus agir, tartine en main ?

TGV

TGV : Tirer Gentiment sa Vie jusqu’à la mort, ne plus céder aux appels du devoir en s’identifiant à ses propres os, découper des Tranches Gourmandes de Volonté, ne plus déserter les chemins sous prétexte qu’ils sont désertés.

TÉLÉPHONE

Le problème avec le téléphone, c’est quand il sonne.

Il faut parfois décrocher le téléphone pour qu’il se taise.

TÉMOIN

Client de personne, témoin de tous, acteur de l’envie que chacun devienne témoin et acteur à son tour.

TEMPÊTE

Le bonheur n’est ni dans la tempête, ni dans l’absence de tempête, mais dans le calme face à la tempête.

TEMPLE

Le message du temple de Borobudur : l’élévation, plutôt que la conquête.

TEMPS

Choisir entre le temps cosmique et le temps historique, entre la vision d’Icare et le point de vue de Dédale.

L’usure du temps pratique sur l’humeur des taux vertigineux.

Le temps, ce monstre tiède qui regarde sans relâche par-dessus ton épaule sans pouvoir te parler de l’horizon.

Je me penche à la fenêtre, et je regarde passer le bateau du temps sans me soucier de sa destination ni des tempêtes annoncées.

Nul ne peut freiner le cours du temps, mais chacun peut en réduire les exigences.

Prendre le temps d’écouter les mots sous les mots, de deviner les gestes derrière les gestes, d’en déduire les motifs d’agir ou de ne pas agir : on ne décide qu’en harmonie avec la somme de ce qui est.

A quoi bon être informés « en temps réel » des catastrophes si nous les laissons prospérer pendant que ceux qui s’enrichissent de les avoir provoquées s’enrichissent ensuite de prétendre les réparer ?

TÉNÈBRES

Tout est clair au fond des ténèbres : ni cause, ni conséquence, la lucidité n’est qu’une solide circonstance de la disparition.

TENIR

Tiens bon si tu veux et si tu peux, mais tôt ou tard tout tiendra sans toi et tu ne tiendras plus à rien.

TENTATIONS

Il est des tentations qui font retour sans retour, et font figure d’impasses testamentaires. Il est des manches élimées d’avoir été trop retroussées au motif de combats trop récurrents. Mais quand de maxi-orages rôdent et grondent autour de mini-banquets, il reste plus que tentant de les récuser.

TERRITOIRE

Le territoire, occasion de partages le jour, prétexte à tueries la nuit. Ou bien l’inverse.

TICKET

Il faut savoir monter en marche quand on n’a pas de ticket.

TOLÉRANCE

Tolérer l’intolérance rend la tolérance plus confortable.

La tolérance active est l’antidote du relativisme absolu.

TOUCHER

Je ne sais plus si je peux encore toucher, encore moins si je peux l’être. D’une certaine façon, cela me rajeunit. Il ne s’agit que de vivre, mais sans l’excuse de la jeunesse.

TOUJOURS

Epitaphe : « Il a toujours voulu bien faire, mais il s’y est toujours mal pris » (ce qu’il aurait dû être et faire, mais qu’il n’a pas été et pas fait, etc.).

Ce qui fut un jour sera toujours.

TOUT

Tout commence par la fin et s’achève par le début.

TOXICOMANE

Toxicomane est celui (ou celle) que rien ni personne ne peut empêcher de fumer sa bouteille de pilules.

TRAHIR

Personne ne trahit personne, dès que chacun se trahit soi-même.

TRAIN

La vache regarde passer le train, puis elle descend entre deux arrêts.

Voici venir l’heure instable où le voyageur est déjà parti dans un train qui n’est pas encore entré en gare.

TRAVAILLER

Travailler plus, au même salaire, pour sauvegarder son emploi : le piège se referme sur le « droit à la paresse ».

TRAVERS

La vie va de travers. Parti pour arriver quelque part, j’arrive autre part, avec le sentiment que c’était écrit mais que cela restera indéchiffrable (sauf peut-être après ma mort, à mon insu et, cela va de soi, dans la plus totale indifférence).

TREMBLER

Sans faire trembler la terre, nous autres, humains, savons faire trembler le feu.

TRIANGLE

Le triangle est une figure de réduction de l’ambition des parallèles.

TRICHER

Il faut tricher, s’il n’y a plus d’autre moyen de refuser le mensonge d’un ordre donné dans le seul but d’instituer le désordre.

Une raison aveugle me fait agir ; je me prétends extralucide. Je joue alors le jeu, prétextant que c’est pour en modifier les règles. Mais, chemin faisant, je perds la trace de mes motivations. Encore un pas pourtant et je rafle toute la mise. Je fais demi-tour. Je sais mieux perdre que tricher.

TROIS

Il faudrait trois vies : une première pour tout faire, une deuxième pour ne rien faire, une troisième pour raconter ces deux -là.

TROMPETTE

Que ne donnerait-on pour entendre le solo que joua la trompette sous le mur de Jéricho ?

TROU

Les trous sont pleins de peurs.

TROUBLE

Il n’y aurait pas de joie si pure s’il n’y avait d’abord de trouble si profond.

TUNNEL

Jamais perdu dans un tunnel. On s’habitue au noir, c’est tout. Quitte à prendre l’issue pour l’avenir. Rien de pire, dans le noir, non pas qu’une lumière mais qu’un semblant de lumière.

TYRAN

A quoi sert de chasser le tyran si la tyrannie demeure et s’installe.

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