OBJECTIF
Une fois l’objectif clairement désigné, l’oublier aussitôt, y compris la volonté de l’atteindre. Et se mettre en route, concentré sur la route.
OBJECTIVITÉ
L’objectivité, c’est quand tout le monde finit par raconter quelque chose de la même façon.
OBJET
Découvrir que les objets sur lesquels on s’appuie ne sont rien d’autre que ce que l’on dit d’eux, et tenir debout quand même.
Lorsque chacun est un objet pour l’autre, le sujet de l’histoire reste enfoui dans les brumes du marché.
Moins je trouve ce que je cherche et moins je cherche ce que j’ai perdu. C’est ainsi que je deviens l’objet d’une quête sans objet.
Que les hommes parlent de ce qu’ils ignorent n’implique pas que les objets taisent ce qu’ils savent.
OCCUPATION
Ma principale occupation consiste à faire savoir ce que les autres savent faire. Moyennant quoi, ce que je sais faire d’autre n’occupe que moi et personne ne s’occupe de le faire savoir. Aussi, à contre-sens de l’histoire, l’occupation rime-t-elle et se confond-elle pour moi avec la libération.
ODEUR
L’odeur, c’est-à-dire le corps, est ce qui distingue les archives des poubelles.
OISEAUX
Le silence que font les oiseaux quand ils dorment !
OMBRE
Ce que tu as voulu laisser dans l’ombre n’a pas fini de t’éblouir.
Son ombre se promène, elle suit sagement celle de son chien.
Cultiver l’humour et la naïveté pour jouir d’un peu d’ombre.
Si un homme avait deux ombres, il pourrait s’éclipser tranquillement après avoir confié à l’une d’entre elles le soin de n’être que l’ombre de lui-même.
Le pouvoir que prennent les ombres quand vient la nuit !..
ORDRE
Savoir, vouloir, pouvoir : c’est dans cet ordre-là qu’il faut agir pour que l’ordre dominant soit enfin, et durablement, remis en question.
L’ordre des choses est une institution trop discutable pour qu’on accepte d’y prendre place sans l’avoir préalablement négociée.
L’ordre est un état complexe qui trouve sa vitalité dans sa capacité à se laisser fertiliser par les surgissements du désordre. Face aux donneurs d’ordres d’hier et d’aujourd’hui, il importe de se constituer en concepteurs de désordre(s).
ORGUEIL
Le comble de l’orgueil consiste à se prétendre responsable de tout le malheur qu’on subit.
ORIGINE
L’origine de ce qui est importe moins que sa présence, l’être avant que l’être avec.
OUBLI
Prendre le temps d’en perdre pour découvrir le lieu où mourir d’évidence, dans l’oubli éclairé de soi-même.
L’oubli est aussi nécessaire à la mémoire que l’est le silence à la communication.
OUBLIER
Apprendre à oublier, et quitter sans renier.
Mieux vaut être détesté qu’oublié.
OUTIL
L’œuvre tend à effacer l’outil, qui finit par y consentir. Lui-même façonné par d’autres outils, l’outil disparait en effet de la scène, aussitôt accomplie la tâche pour laquelle il a été conçu : admirable altruisme de l’invisibilité programmée, de l’effacement de principe derrière l’œuvre achevée. Quel potentat se risquerait-il cependant à inaugurer en grande pompe une exposition de pinceaux, de burins, d’échafaudages ou de brouillons partis à la corbeille ?
L’outil est le moyen dont se dote le vivant pour passer du concept au concret. De ce fait : gloire aux outils ! Et honte sur eux !
OXYMORE
Si la lumière noire est la mère des oxymores, le vacarme du silence en est le père. Mais de qui la vision du bruit est-elle l’enfant ?
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