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FAÇON

Par la façon dont je vais, j’annonce où je vais.

FAIRE

Fait-on plutôt la guerre ou fait-on plutôt la paix quand on n’a rien à faire ?

Que font les gens quand ils n’ont rien à faire ? Pourquoi et comment s’activent-ils en l’absence d’activité contrainte ?

Je suis attendu non pas pour ce que je suis, mais pour ce que je fais.

FAIT

La connaissance d’un fait est un autre fait, qui modifie le fait initial. C’est pourquoi il faut inventorier les inventaires.

FALAISE

« Quel est le bon côté de la falaise ? », demande celui qui a déjà chuté.

FANTÔMES

Il est des fantômes qui résistent aux ruptures et qui, entre miroirs sans reflets et entre toiles sans araignées, font circuler en contrebande des souvenirs nostalgiques mais toujours actifs. Autrement dit : d’étranges et inquiétantes perspectives de retrouvailles.

FARDEAU

La vie est un fardeau intéressant qu’il faut porter jusqu’à son terme dans l’intérêt de tous. (Cf. aussi : « Qu’est l’homme, sinon une petite âme qui maintient debout un cadavre ? », Malcolm Lowry)

FEMME

Si « la femme est l’avenir de l’homme », quel était donc son passé ?

FENÊTRE

S’habiller au matin devant la fenêtre, première étape de tout projet. Premiers aléas, aussi.

FEU

Nulle sagesse dans l’œuvre du feu. Seulement l’ombre tordue de Prométhée.

FICTION

Dieu est une fiction, mais nul ne peut prétendre que les fictions n’existent pas.

La plupart des fictions s’insurgent contre leurs auteurs.

FIDÈLE

Fidèle, c’est-à-dire tout à la fois attentif, disponible et volontaire.

FIER

Etre fier, c’est d’abord prendre l’air d’en avoir l’air puis affirmer, si haut perché, que rien ne le justifie.

FILIATION

Filiation : mieux vaut, de ses parents, recevoir un don (d’intérêt général) qu’« accepter une succession » (d’intérêt particulier). Se voir transmettre que succéder.

FIN

Ce qui commence a déjà débuté, et sa fin sera la cause de quelque chose à naître.

La fin n’est pas le contraire du début, c’est même en partie à cela qu’on la reconnaît. La révolution, ce n’est pas recommencer comme avant.

FLAQUE

Les flaques d’eau sont des miroirs que les villes se tendent à elles-mêmes, si spontanément indifférentes aux métaphores qu’elles produisent.

FLAMME

Le bois connaît et conserve l’histoire, mais c’est la flamme qui la raconte.

La flamme est une promesse de certitude : plus rien, avec elle, ne sera comme avant, tout pourra recommencer. Aussi, en cas de rêve d’allumette, préférer l’option grattoir.

FLEUVE

Le fleuve emporte vers le large tous les projets que sa force a piétinés, et sa force ne se nourrit même pas de ces projets-là.

Les fleuves ne dédaignent pas les méandres, même si leur jeunesse a connu les cascades.

FOIS

Si ce n’est pas la première des dernières fois, de quoi donc est-ce la dernière fois ?

Première et dernière est chaque fois.

FOOTBALL

Comment un joueur de football est-il payé, et par qui, quand il marque contre son équipe ? Le corps aussi joue parfois contre son camp. Mais, siège de tout ce qui s’éprouve, il est trop dépendant des rebonds du ballon et des enjeux du match, trop soumis à l’arbitre et trop obnubilé par les surfaces de réparation pour, avec ou sans prime, venir fausser le score.

FORCE

Faire le bien et l’extraire de son trou de roche, paisiblement, par la force et la volonté sans arme s’il le faut.

FORME

Le rêve de la forme est une forme de réalité.

Refuser de faire allégeance aux exigences de la forme permet de procéder de la base (les manifestations du tangible) vers le sommet (les promesses de l’intangible) pour mieux atteindre ce qui résume et fusionne l’une et l’autre.

FOU

Il faut garder les fous, de peur de les perdre.

Seuls les fous rient tout seuls ; alors qui pleure en public ?

Il peut être fou de ne pas l’être.

Dans la mesure où je refuse l’idée que je puisse parvenir à rendre fou qui que ce soit, j’accepte que qui ce soit s’efforce de me rendre fou, mais sans y parvenir.

FOULE

La foule, cette composition de solitudes.

FOURMI

La fourmi s’épuise à stocker du grain pour l’hiver. Aux premiers flocons, le monde entier l’interroge du menton.

La fourmi s’appelle, par exemple, Gisèle.

FRATERNITÉ

Pour consolider l’égalité, la fraternité requiert la liberté des choix.

Il n’est pas certain que viser l’unité plutôt que la diversité protège de la survenue des hostilités. Reste l’option de la fraternité, qui les confond et les dépasse.

La fraternité comporte autant de promesses (de solidarité) que de risques (de rivalité). Choix contraint, lien qui relie et qui entrave, assignation de places et de rôles à une même et double filiation, quête partagée de l’individuation qui éclaire et qui aveugle, essence et moteur de la vie sociale : la fraternité est l’oxymore absolu, l’impossible jonction entre la liberté et l’égalité en même temps que la promesse absolue de passerelle.

FROID

Il fait si froid que je ne peux m’empêcher de me soucier de savoir si celles et ceux que j’aime sont bien au chaud.

FRONTIÈRE

A quoi bon contrôler les frontières quand il n’y a plus d’ailleurs et moins d’après que d’avant ?

FRUIT

Le ver est dans le fruit : le fruit est dans le ver.

FUIR

Fuir : non pas « pourquoi ? », mais « vers où ? ». Et encore ! Pas de projet, pas de trajet. Attentif à tout, captif de rien. A la limite : fuir en restant sur place.

FUITE

A vouloir rejoindre autrui, on peut s’enfermer dans la fuite de soi.

FUNAMBULE

Le trajet du funambule confine à l’absurde de tout projet. Pas de haut ni de bas, de derrière soi surtout pas ; il ne reste qu’à aller de l’avant, pour de vagues motifs de gouffre et de survie.

FUSIL

Chacun chaque jour est un « condamné à mort » ; alors fi des fusils et des pelotons, et vive la vie !

FUTUR

Si les géographes traçaient les routes du futur, personne ne voudrait de leurs cartes.

N’encombrons pas le présent des enfants avec notre vision du futur.

On n’échappe pas au futur.

Dire ce qui est avant de dire où l’on va : le futur doit être vécu avant d’être raconté.

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