51 – Là-bas

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J’ai longtemps, trop longtemps,
respecté les consignes,
sacrifié à l’ordre du jour
les désordres de la nuit.
J’ai tendu une main docile
aux officiants de l’aube.
Jamais couché, toujours à l’affut,
j’ai surveillé leurs troupeaux.
Mais le vent du désert
a effacé les traces.
Et je suis resté là,
sans abri et sans choix.
Là-bas, tout là-bas,
oh beaucoup trop loin,
là où personne ne va
chercher celui qui tombe,
oh oh oh oh là-bas.
J’ai longtemps, très longtemps,
marché entre les mirages,
au ciel arraché son soleil,
ses nuages et ses étoiles.
J’ai refusé les oasis,
n’acceptant que l’océan.
Puis du bateau que j’ai construit
je me suis dit matelot.
Mais l’horizon narquois
s’est moqué de ma course.
Il m’a emmené là,
puis m’a brisé les bras.
Là-bas,
tout là-bas,
oh beaucoup trop loin,
là où personne ne veut
savoir pourquoi l’on sombre,
oh oh oh oh là-bas.
J’ai longtemps, bien longtemps,
attendu le passage
d’une femme qui sous le vent
saurait déployer ses voiles ;
dont les cuisses, comme des algues,
auraient dansé sur les vagues,
et les bras, insatiables,
m’auraient tiré du naufrage.
Mais à chercher ses lèvres,
j’ai fini sur le sable.
Je me suis échoué là,
le corps à marée basse.
Là-bas, tout là-bas,
oh beaucoup trop loin,
là où personne ne peut
me creuser une tombe,
oh oh oh oh là-bas.
J’ai longtemps, si longtemps,
consulté les archives
à la recherche d’une raison
de demeurer sur la rive.
Puis j’ai trouvé entre les pages
d’un atlas ésotérique
une carte des désirs :
l’encre en était sympathique.
Mais à suivre ses pistes,
j’ai frôlé des falaises.
Les récifs tout en bas
auront raison de moi.
Là-bas,
tout là-bas,
oh beaucoup trop bas,
là où personne ne sait
ce que réclame l’ombre,
oh oh oh oh là-bas.

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